- Comprendre
D'abord comprendre quel est le sens et l'utilité de la pratique. L'apprentissage de la danse peut se comparer aisément à celui du langage. Le cours ne fait pas tout. la mise en pratique, et la répétition sont indispensables, d'abord à l'acquisition, puis à l'amélioration du guidage en multipliant les partenaires, et enfin à l'improvisation en donnant à l'inconscient suffisamment de matière et d'expérience pour prendre le relais dans le cadre d'une création spontanée.
- Répéter
La pratique n'est pas à usage exclusif de plaisir. L'objectif est à la fois de renforcer l'acquis du cours, mais aussi d'entretenir l'acquis des cours précédents. Comme dit plus haut, seule la répétition inlassable des techniques et exercices, est profitable.
- Chercher
La pratique est aussi le lieu où l'élève peut chercher sa propre voie, son propre style. Il peut également, en faisant la synthèse des expériences et cours antérieurs, découvrir de nouvelles combinaisons ou manières d'introduire les techniques et variations apprises en cours.
- Apprendre à oublier le regard des autres
Les plus grands noms du Tango Argentin ont été, un jour, des débutants. seul le travail et le long chemin de la patience permet d'atteindre un certain niveau. et une fois arrivé là, on découvre que ... tout reste à apprendre ou à inventer ! Ainsi, seuls les ignorants, et les imbéciles peuvent se prévaloir d'une supériorité vis à vis d'un nouveau venu dans l'apprentissage de la danse : ils ne méritent pas que l'on porte intérêt à leur jugement. La danse en société implique que tout le monde accepte que certains soient au début du chemin, d'autres un peu plus avancés. Aucun jugement de valeur ou de préséance ne doit se rattacher à ces notions, et il est beaucoup plus sain et réconfortant de voir un couple de débutants répéter inlassablement pendant trois heures quelques pas de marche et une salida, plutôt que de voir se pavaner de pseudo pros. Le plus amusant d'ailleurs, c'est que ces derniers, obnubilés par l'effet qu'ils peuvent, ou veulent, produire sur les spectateurs, en arrivent à oublier leur partenaire et n'écoutent plus la musique. Enfin, restez modestes : si les autres vous regardent c'est peut-être parce que vous dansez bien, mais c'est peut-être aussi parce qu'ils vous trouvent ridicules : vous ne saurez jamais. Alors oubliez !
- Apprendre à conduire
La pratique n'est pas régulée totalement comme un cours. La liberté y est beaucoup plus grande. Mais, comme chacun sait, la liberté en société n'existe que si elle est encadrée par des règles communes à tous et librement adoptées. La première est celle qui concerne l'utilisation de la piste. Conventionnellement les danseurs suivent tous une même direction appelée "ligne de danse". C'est une ligne imaginaire qui fait le tour de la salle dans le sens anti-horaire (ou sens trigonométrique direct).
Suivant que l'on se trouve plus ou moins prêt du centre, les danseurs évoluent à une plus ou moins grande vitesse. Généralement, les danseurs les plus mobiles, et les plus chevronnés, circulent à l'extérieur (flèche rouge). Plus on se rapproche du centre, plus on y trouve les danseurs à déplacement lent, soit débutants, soit chevronnés expérimentant une technique. Le centre est en principe un espace réservé, libre de pratiquant. Dans une pratique, le professeur étant généralement présent, ou au moins un danseur chevronné, ce centre peut être utilisé momentanément pour expliquer ou préciser une technique. Mais ce doit être exceptionnel, et surtout pas pratiqué au bal.
"El que baila en el medio es porque no sabe bailar, ... or es un maricon"
Le deuxième apprentissage fondamental que permet la pratique, est d'acquérir les réflexes qui rendent possibles la danse en société. D'abord modifier ses techniques. Il existe deux sortes de Salida. l'une que l'on pourrait qualifier de didactique, et réservée à l'apprentissage, l'autre plutôt réservée au bal. des lors qu'un couple peut se trouver juste derrière vous dans le sens de la circulation, faire un pas en arrière pour commencer une technique devient dangereux pour les chevilles des voisins. Or c'est précisément la première chose que l'on apprend au débutant dans l'apprentissage du carré et de la Salida. Dans la pratique et dans le bal, ces deux techniques débuteront, non pas en arrière, mais sur le côté, voire en avant, intégrées à la marche. De même les voléos ne seront exécutés que lorsque l'on est sûr de ne pas heurter et blesser quelqu'un.
La pratique c'est apprendre deux choses :
à enchaîner son tango, et à le situer en société
Ne vous lancez pas dans des séquences sans être certain d'avoir la place de les exécuter. Ne vous croyez pas obligés de finir la technique que vous avez commencée. Apprenez à gérer l'imprévu.
- Apprendre à se conduire
Qui dit pratique en société, dit également pratique du savoir-vivre. La cavalière n'est pas un instrument dont on se sert pour parvenir à une réussite technique, mais la collaboratrice dans un apprentissage à deux ! Si la technique ne passe pas, ce n'est pas forcément la faute de l'un des deux, et surtout pas forcément de l'autre. Profitez de la pratique pour appeler le professeur à la rescousse ! Enfin messieurs, lorsque vous avez enfin réussi à passer votre séquence ou votre nouvelle création, pensez à remercier votre cavalière qui souvent a du user de patience pendant vos premiers essais trébuchants.
Pensez à travailler avec les débutants. C'est là que l'on voit si la communication des corps se fait bien. Un danseur chevronné apprendra beaucoup en dansant avec une débutante. Et vous mesdames, ne vous confondez pas en excuses perpétuelles si vous ne comprenez pas l'intention de votre cavalier, ou si vous avez raté votre "molinete" :
dans la pratique, tout le monde est là pour travailler ... et se tromper !
Silence ! Dans une pratique trois situations fondamentales demandent concentration et respect de l'environnement sonore :
- le cavalier travaille "en mémoire", essayant de se rappeler l'ordre des pas ou de la séquence, la cavalière en concentration pour comprendre l'intention du cavalier.
- le couple maîtrise sa séquence dans l'espace, mais essaye d'en adapter le rythme et l'exécution, aux différentes musiques diffusées dans la pratique
- certains sont en phase de plaisir, oubliant la technique pour se laisser bercer par le Tango
Dans tous les cas, les éclats de voix, les blagues douteuses et toutes les formes d'expressions sonores intempestives sont autant d'agressions aux autres pratiquants.
Le silence dans le Tango n'est en rien celui de la tristesse,
c'est celui de l'écoute et de la concentration,
... mais aussi de l'abandon et du plaisir.
